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Pour s’adapter au développement de l’intelligence artificielle, la meilleure arme : l’éducation. Le chirurgien-neurologue Laurent Alexandre s’intéresse aux conséquences sociales, politiques, éducatives de l’intelligence artificielle.

En novembre 2017, il accorde une interview à ThinkerView. Au cours de son intervention, il livre ses réflexions concernant les impacts futurs de l’Intelligence artificielle sur la société française. Mais surtout, il expose ce qu’il pense être la meilleure façon de prévenir et de limiter les conséquences négatives de cette technologie sur la vie future de l’homme, principalement, des prochaines générations. Pour éviter les ravages qui seront probablement induits par l’avancée de l’IA, il préconise une solution à deux volets :

  • la réforme de l’éducation par le gouvernement,
  • l’encouragement de la lecture au niveau individuel.

Dans l’optique de pénétrer plus avant dans les détails du raisonnement de Laurent Alexandre, je vous invite à vous jeter sur son livre «La guerre des intelligences». En attendant, voici un résumé de ses propos durant son passage sur le plateau de ThinkerView.

L’évolution de l’intelligence artificielle

Pour l’heure, c’est l’incertitude qui prévaut lorsqu’il s’agit de dessiner les contours futurs de l’IA. Tous ignorent comment elle se présentera. Tous sont incapables d’affirmer si oui ou non elle va acquérir une conscience artificielle, c’est-à-dire, si elle va devenir ou non une IA forte.

Néanmoins, sur la question, Laurent Alexandre partage les convictions de l’essayiste Yuval Noah Harari qui, dans son essai Homo Deus, évoque l’émergence prochaine d’une aristocratie de l’intelligence. Celle-ci dominera une masse pour qui le Monde est trop compliqué.

Voilà pour l’avenir. Pour le présent, il y a une autre lacune : la question des normes éthiques n’est pas suffisamment abordée.

  • Est-ce qu’il faut surveiller l’intelligence artificielle ?
  • Faut-il la contrôler pour anéantir sa dangerosité ?

Voilà deux exemples de questions qui vont surgir dans les décennies à venir.

L’éducation

Environ 10 à 15% de la population gouverneront le Monde de demain et tiendra les rênes de l’intelligence artificielle. À leurs côtés se tiendra une masse considérable d’individus qui n’auront pas reçu une formation adéquate, laquelle leur aurait permis de devenir compétitifs de l’IA.

Cette absence de formation est due à l’absence de volonté de la part du pouvoir politique, qu’il soit géré par les élites politiques de droite ou de gauche, de rénover l’éducation. Moderniser l’école est en effet une initiative trop compliquée. À défaut de mettre en œuvre des méthodes éducatives destinées à réduire les inégalités intellectuelles, les élites politiques vont songer à mettre cette masse au revenu universel.

Le revenu universel : une lecture trop simpliste du contexte

Les élites politiques sont conscientes que l’intelligence artificielle modifiera en profondeur le marché du travail. Il sied, par ailleurs, de souligner que les élites politiques ne veulent pas d’une masse asservie. Néanmoins, une vaste opération de modernisation du système éducatif s’avère trop compliquée. Il s’ensuit une situation problématique : le pouvoir politique se retrouve dans l’incapacité de moderniser totalement l’école alors que l’intelligence artificielle menace de déqualifier beaucoup de Français, car il a été impossible de les former.

Pour sortir du dilemme, les politiciens avancent une solution d’assistanat, foncièrement paternaliste : le revenu universel. Ce dernier est une idée profondément conservatrice et malveillante, qui dénote un degré extrême de mépris envers les classes populaires. Il s’agit d’un concept d’extrême droite même si elle est conçue comme un principe de gauche.

Le revenu universel ne constitue nullement une solution viable. La meilleure solution se trouve dans les réponses à deux questions : comment réorganiser l’économie et comment réorganiser l’école ?

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Les inégalités sociales

L’IA introduit l’économie de la connaissance. Cela signifie que le pouvoir et les rémunérations intéressantes seront détenus par ceux qui ont d’excellentes capacités intellectuelles. Cette situation augure des inégalités sociales explosives. Le mécanisme est simple à comprendre : les inégalités intellectuelles entraînent une remarquable marginalisation des personnes peu douées.

Cette exclusion aboutit à l’instauration d’un climat révolutionnaire similaire à celui de 1793. La société va imploser ! La lutte contre les inégalités intellectuelles est donc une urgence, et ce, dès aujourd’hui.

Trois solutions sont à relever dans l’interview de Laurent Alexandre :

Le gouvernement est appelé à investir d’une part dans l’Adaptative learning, et, d’autre part, dans les recherches universitaires. Ces dernières auront pour vocation de mettre au point des formes de pédagogie qui facilitent l’acquisition des connaissances et des compétences par les individus dont le quotient intellectuel est bas.

À elles seules, ces deux démarches contribueront déjà à réduire les inégalités intellectuelles, et à partir de là, les inégalités sociales, professionnelles et économiques. Troisièmement, il convient d’investir davantage dans l’école et, plus globalement, dans l’éducation.

Les ZEP, où convergent les enfants des classes sociales défavorisées et ceux des zones géographiques défavorisées, seront mieux exploitées grâce au standard Montessori. En outre, les standards de qualité des écoles de Singapour devraient être une référence pour toutes les écoles françaises.

À Singapour, l’excellent niveau de l’école a été atteint grâce à l’augmentation du niveau du recrutement. En France, les pouvoirs politiques ne devraient pas avoir peur de recruter les meilleurs cerveaux français dans les crèches, au poste d’instituteurs et de celui de professeurs de collège.

Il s’agit par exemple d’un jeune polytechnicien, d’un sortant d’HEC, d’un nouveau diplômé de Sup de Co ou de Centrale, d’un spécialiste confirmé en neurosciences.

Les maternelles et l’école primaire sont à viser, car c’est durant la petite enfance que le cerveau se forme. Grâce à un tel corps professoral, il ne fera pratiquement pas de doute que les enfants monteront dans l’ascenseur social. De ce fait, il ne se créera pas un apartheid social avec, d’un côté, les enfants des familles aisées, et de l’autre, ceux du peuple.

Malheureusement, aucun ministre n’est prêt à assumer le choc psychologique chez les instituteurs actuels qu’une telle initiative entraînera. En fait, d’une manière générale, les élites politiques sont réticentes à l’idée de payer une lourde facture pour améliorer de fond en comble l’éducation.

Intelligence Artificielle et pouvoir

L’IA sera-t-elle supérieure aux hommes en matière de raisonnement et de réflexion ? En l’état actuel des choses, il est impossible de répondre à la question. Aujourd’hui, l’IA est faible. Elle n’a pas conscience d’elle-même et elle est très spécialisée. À la différence, l’intelligence humaine est transversale et multidisciplinaire. C’est ce qui la rend supérieure à l’IA.

L’Intelligence Artificielle et l’aventure humaine

Il existe une myriade de domaines dans lesquels l’Homme accomplira des prouesses sensationnelles en exploitant l’intelligence artificielle. Seulement, le monde extraordinaire qui se profile grâce à l’IA risque d’être surtout merveilleux pour les personnes les plus douées dont l’intelligence conceptuelle est forte.

Somme toute, on a affaire à une forme d’apartheid.

L’intelligence artificielle et l’armée

Suite à la multiplication des cyberattaques, l’armée a commencé à se pencher sur l’IA. Et elle a intérêt, car la guerre au 21ème siècle se singularisera par des affrontements entre IA. L’Homme vient d’inaugurer l’ère des conflits numériques, des conflits informationnels.

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L’armée américaine et celle de la Chine sont très avancées en matière d’intelligence artificielle. Ce qui n’est pas le cas de la France et encore moins de l’Europe. Sans compter que le Brexit a réduit les performances de l’Union Européenne dans le domaine de l’IA. Quant à la Russie, sa puissance technologique est encore mineure.

Le marché financier

L’IA va permettre de réduire les crises financières.

Les chatbots

Il est difficile de considérer le chatbot comme une intelligence artificielle. Ou alors, il faut reconnaître qu’il s’agit d’une IA éminemment faible. De plus, puisque le chatbot augmente ses performances selon les conversations qu’il enregistre, il est difficile de voir en lui une bonne technologie si on souhaite répandre la tolérance sur Internet.

L’intelligence artificielle et la morale

Le lien entre la morale et l’intelligence artificielle est obscure dans la mesure où la morale est contingente. Celle-ci est différente d’une époque à l’autre, d’une zone géographique à l’autre. Il n’y a donc pas de morale universelle.

Ce constat amène à la question : quelle morale s’appliquera à l’IA ? La sélection d’une morale en particulier engendrera des conflits éthiques.

Continuons à être bienveillants !

Les technologies d’augmentation cérébrale

Les techniques de pointe d’augmentation cérébrale ne seront pas mises au point avant 2035-2040. Elles seront à l’origine de problèmes moraux et éthiques ainsi que d’une surenchère intellectuelle. Chaque parent souhaitera augmenter indéfiniment le QI de ses enfants.

L’intelligence artificielle forte

Si elle voit le jour, une IA forte rappelle un alien, car elle a conscience d’elle-même. Ce serait déstabilisant pour l’humain qui, pour la première fois de son histoire, serait confronté à une autre espèce dotée d’une intelligence conceptuelle.

L’intelligence artificielle et les enfants

Il ne faut pas contingenter le numérique. Toutefois, il faut guider les enfants pour qu’ils se lancent dans une bonne utilisation des médias numériques.

L’Intelligence artificielle et l’addiction

L’addiction, particulièrement aux réseaux sociaux, est indiscutable. Toutefois, on ne constate pas une vraie dépendance comme l’assuétude que l’on observe avec la drogue. Il n’en demeure pas moins que la vigilance et la prudence exigent d’être raisonnable et de faire preuve d’une rigoureuse auto-discipline.

Cette rigueur doit être apprise aux enfants, notamment à l’école. Cette institution sert, entre autres, à faire connaître aux enfants les normes et l’éthique, à développer leur esprit critique, à faire mûrir en eux l’intelligence collective.

Pour être fructueux, l’apprentissage doit se faire en groupe et l’interaction avec les autres enfants est indispensable. À ce titre, les MOOC’S et l’enseignement à distance assuré par des machines ne peuvent remplacer l’école.

La culture générale à l’heure de l’IA

Outre sa mission d’acquisition des connaissances, l’école doit forger des individus multidisciplinaires qui se démarquent par la transversalité de leurs raisonnements. Elle doit inscrire en eux l’altruisme, leur faire aimer le travail d’équipe et en groupe, leur faire apprécier l’intelligence collective, affûter leur esprit critique. Mais ce n’est pas le cas. L’école ne remplit que très peu ces missions-là.

Les parents sont donc invités à agir en complémentarité avec les actions de l’école en imposant à leurs enfants un rythme de 3 livres à «dévorer» par semaine. Grâce à ce régime, ces futurs adultes seront toujours supérieurs à l’IA, car la lecture est l’outil principal pour affiner l’esprit critique.

L’intelligence artificielle et la religion

L’IA pourrait signer l’arrêt de mort des religions dans la mesure où elle permettra progressivement à l’homme de réaliser ce que seul Dieu peut accomplir. Notamment, l’Homme sera vraisemblablement capable d’acquérir l’immortalité. Les religions seront ainsi appelées à disparaître, du moins, elles seraient fortement concurrencées par le transhumanisme.

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